Mes parents peuvent-ils me déshériter ? Ce que dit la loi française
FINANCIER | 4 min. de lecture
Sommaire
Le principe de la réserve héréditaire : une protection des enfantsLes moyens de contourner (légalement) la réserve héréditaireL’indignité successorale : la seule exclusion totale possibleEn conclusion : peut-on être totalement déshérité par ses parents ?Dans un contexte familial de plus en plus complexe, marqué par les recompositions familiales, les conflits intergénérationnels ou l’éloignement physique et affectif, une question revient souvent : un parent peut-il légalement déshériter son enfant en France ? Si l’intention peut sembler légitime dans certaines situations, la réponse du droit français est très encadrée.
Cet article vous propose une analyse complète, actualisée et détaillée des règles applicables, des exceptions possibles, et des moyens légaux d’orienter sa succession.
Le principe de la réserve héréditaire : une protection des enfants
En droit français, la réserve héréditaire constitue un socle intangible. Il s’agit d’une part minimale du patrimoine que le défunt ne peut pas priver à certains héritiers dits « réservataires ».
Cette règle est prévue aux articles 912 à 917 du Code civil et vise principalement à protéger les descendants du défunt, en leur assurant un droit minimum dans la succession.
Qui sont les héritiers réservataires ?
La loi désigne comme réservataires :
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Les enfants du défunt, quel que soit leur lien avec le parent (enfant légitime, naturel ou adopté).
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Les petits-enfants, uniquement lorsque leur parent (enfant du défunt) est prédécédé ou renonce à la succession.
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À défaut de descendants, le conjoint survivant devient réservataire, uniquement s’il n’y a pas d’enfant.
Quel est le montant de la réserve héréditaire ?
Le montant varie selon le nombre d’enfants :
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En présence d’un seul enfant : la réserve est de 50 % du patrimoine.
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En présence de deux enfants : la réserve est de 2/3 du patrimoine, soit 1/3 par enfant.
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En présence de trois enfants ou plus : la réserve est de 75 %, répartie à parts égales.
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En l’absence d’enfant mais avec un conjoint survivant : la réserve du conjoint est de 25 % du patrimoine.
La part restante, librement attribuable à d’autres personnes, est appelée quotité disponible.
Que se passe-t-il si la réserve n’est pas respectée ?
Lorsqu’un parent lègue ou donne plus que la quotité disponible à un tiers, les héritiers réservataires lésés peuvent engager une "action en réduction". Cette action permet de réintégrer dans la masse successorale les biens excédentaires pour rétablir les droits légaux des héritiers protégés.
Les moyens de contourner (légalement) la réserve héréditaire
Bien que la réserve héréditaire limite la liberté de transmission, certains dispositifs permettent d’avantager un tiers ou d’exclure partiellement un enfant, sans enfreindre la loi.
1. L’assurance vie
L’assurance vie est souvent présentée comme « hors succession ». Cela signifie qu’à la fois fiscalement et civilement, les sommes versées ne sont pas intégrées dans la succession classique, tant que certaines conditions sont respectées.
Le souscripteur peut désigner librement les bénéficiaires dans la clause du contrat. Il peut s’agir :
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D’un autre membre de la famille,
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D’un ami proche,
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D’une association ou d’une fondation.
Cela permet ainsi d’écarter les enfants de cette part de patrimoine.
Cependant, la liberté n’est pas absolue. Les héritiers peuvent contester la validité du contrat dans certaines situations, notamment :
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Si les primes versées sont manifestement exagérées au regard du patrimoine global du souscripteur,
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Si la clause bénéficiaire est illicite ou immorale,
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Si le contrat peut être requalifié en donation déguisée.
En pratique, ces recours sont complexes, et les juges tranchent au cas par cas, selon un faisceau d’indices.
2. Le présent d’usage
Le présent d’usage est un cadeau offert à l’occasion d’un événement familial ou social, comme un mariage, un anniversaire, Noël ou une réussite scolaire.
Pour ne pas être considéré comme une donation ordinaire (et donc réintégré dans la succession), le présent d’usage doit :
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Être donné à l’occasion d’un événement particulier,
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Être proportionné aux revenus du donateur (en général, inférieur à 2 à 2,5 % du patrimoine ou des revenus annuels),
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Concerner un bien meuble (espèces, bijou, chèque, virement, etc.),
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Être remis directement de la main à la main (pas de formalité notariale).
Un présent d’usage n’est pas rapportable à la succession. Toutefois, s’il est disproportionné, les héritiers peuvent demander sa requalification en donation déguisée.
3. Le testament et la quotité disponible
Un parent peut léguer la quotité disponible à la personne de son choix, sans enfreindre la loi. Cela permet, par exemple :
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D’avantager un enfant par rapport aux autres,
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D’attribuer une part à une tierce personne ou à une association.
Prenons l’exemple d’un parent ayant deux enfants : la réserve est de 2/3 (1/3 par enfant), et la quotité disponible est de 1/3. Par testament, il peut donc attribuer ce tiers librement, y compris à l’un des deux enfants, ce qui revient à favoriser un enfant sans léser l’autre sur sa part minimale.
Cette stratégie est sûre et difficilement contestable, car elle respecte les droits des réservataires.
4. La vente en viager
La vente en viager consiste à céder un bien immobilier en échange :
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D’un capital initial (appelé bouquet),
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Et/ou d’une rente à vie versée par l’acheteur.
Cette opération permet de sortir un bien du patrimoine successoral, puisque le transfert de propriété est immédiat. Le vendeur continue à habiter dans le logement grâce à un droit d’usage.
Les enfants ne peuvent pas s’opposer à cette vente, sauf en cas de preuve de simulation ou d’abus de faiblesse.
5. L’expatriation et le choix de la loi applicable
Depuis le règlement européen n°650/2012, une personne peut choisir par testament que sa succession soit régie par la loi de sa nationalité ou par celle de sa résidence habituelle.
Ce choix est stratégique : plusieurs pays, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, ou encore la Suisse, ne reconnaissent pas la réserve héréditaire. Cela permet donc une liberté totale de transmission.
Toutefois, une loi française de 2021 (article 913-2 du Code civil) permet aux enfants, dans certains cas, de prélever leur réserve sur les biens situés en France, même si la succession est régie par une loi étrangère.
Ce mécanisme s’applique si :
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Le défunt ou l’un de ses enfants est citoyen ou résident de l’Union européenne,
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La succession porte sur des biens immobiliers ou mobiliers situés en France.
Par conséquent, pour que l’expatriation soit pleinement efficace, il faut :
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Résider durablement dans un pays qui ne reconnaît pas la réserve,
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Et ne pas détenir d’actifs en France.
Accessible à partir de
Versement trimestriel
Frais d'entrée / Sortie
Frais d'arbitrage
Jusqu'à
net annuel
L’indignité successorale : la seule exclusion totale possible
La seule manière d’exclure totalement un enfant de sa succession, en France, est de prouver qu’il s’est rendu indigne d’hériter, en raison de son comportement à l’égard du défunt.
Cas d’indignité automatique (article 726 du Code civil) :
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Condamnation pour avoir volontairement causé ou tenté de causer la mort du défunt,
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Violences graves ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
Cas d’indignité judiciaire (article 727) :
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Agressions physiques ou sexuelles envers le défunt,
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Faux témoignage dans une affaire criminelle impliquant le défunt,
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Non-assistance à personne en danger, si le défunt était concerné.
Dans ces cas, l’indignité doit être demandée devant le tribunal judiciaire par un autre héritier dans un délai de six moisà compter du décès ou de la condamnation.
Conséquences :
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L’enfant indigne est exclu de la succession,
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Il doit restituer les biens ou sommes reçus après le décès,
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Ses descendants (les petits-enfants du défunt) peuvent hériter à sa place,
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Le parent indigne ne peut pas gérer les biens transmis à ses enfants mineurs.
L’indignité ne s’applique que pour la succession de la personne lésée, et non pour les autres membres de la famille.
En conclusion : peut-on être totalement déshérité par ses parents ?
En droit français, un parent ne peut pas totalement déshériter son enfant, sauf cas exceptionnel d’indignité successorale. Toutefois, il est possible :
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D’avantager un autre héritier dans les limites de la quotité disponible,
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De recourir à des instruments comme l’assurance vie ou la vente en viager,
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D’organiser sa succession depuis un pays étranger, avec prudence.
Chaque situation étant unique, il est fortement recommandé de consulter un avocat en droit des successions ou un notaire, pour élaborer une stratégie patrimoniale adaptée et juridiquement sécurisée.
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